vendredi 18 février 2011

Saint-Just vu par J.Desmars en 1869


Saint-Just vu par J.Desmars



 De toutes les excursions qu'on peut faire aux environs de Redon, celle-ci est peut-être la plus intéressante. Le territoire de Saint-Just, couvert de monuments d'un âge primitif, traversé par de frais ruisseaux et de pittoresques vallées, accidenté par de hautes collines et de sauvages rochers, offre à tous les voyageurs qui le foulent, archéologues ou touristes, savants ou poètes, une mine inépuisable d'études fécondes et de ravissants souvenirs. À l'automne surtout, quand la lande, blanche jusque là sous les lichens, s'émaille de la fleur rouge des bruyères, et qu'au rayon d'un soleil couchant s'allongent les grandes ombres des pierres druidiques, les unes debout encore et immobiles, les autres tombées à leur rang comme des guerriers frappés dans la lutte, ou mollement couchées  dans les ajoncs comme des vieillards fatigués du poids de vingt siècles, alors même dans le coeur le plus froid, l'émotion se fait jour; des souvenirs d'un autre âge remplissent l'âme de pensées mélancoliques ; l'antiquaire oublie son livre, l'artiste son crayon, et, croyant voir passer près des menhirs élevés par elle les générations oubliées, Celtes, Gaëls, Kymris, guerriers avec la hache de pierre, brenns avec le collier d'ambre, druidesses avec leur faucille d'or, s'oublie dans la contemplation de ces débris étranges, de cette terre sacrée, champ de bataille ou nécropole. Il voudrait interroger les ruines muettes, apprendre de ces morts dans la tombe le secret de leurs berceaux, ou bien remonter d'âge en âge jusqu'à ces racines inconnues, suivre ces hommes errants dans leurs migrations obscures, les arrêter dans leur marche éternelle, leur demander d'où ils viennent, où ils vont, ce qu'ils sont, eux qui plus que nous peut-être vénéraient leurs ancêtres, eux qui croyaient au dieu unique, à l'âme immortelle, aux récompenses célestes, et qui, pleins de cette foi sublime, n'ont transmis à leurs fils, pour monuments de leur histoire, que des tombeaux où dorment leurs pères....
Redon et ses environs, guide du voyageur. J. Desmars, 1869

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